L’Union des aéroports français et francophones (UAF & FA) a tenu congrès au début du mois à Montrouge. Elle a réaffirmé son opposition au projet d’écotaxe sur les billets d’avion et souligné le poids des taxes qui pénalise la compétitivité des aéroports français. Pour Thomas Juin, président de l’UAF, « la transition écologique du transport aérien doit passer par des ruptures technologiques que la France est l’un des rares pays à pouvoir initier ».
Un climat hostile au transport aérien
Premier constat dressé par le président de l’UAF : 2019 est une année de rupture avec l’installation, en France notamment, d’un climat et d’un discours hostiles au transport aérien. Le projet français d’écotaxe sur les billets d’avion inquiète tout particulièrement les gestionnaires d’aéroports, comme l’explique Thomas Juin :
Nous ne sommes pas opposés par principe à la fiscalité écologique à la double condition qu’elle ne vienne pas peser sur le seul transport aérien français et qu’elle contribue par ses recettes à la transition écologique du secteur. Les aéroports français ont accueilli l’an dernier plus de 206 millions de passagers. Le transport aérien s’est véritablement démocratisé et répond à une demande sociétale. Il offre une mobilité nouvelle et inédite à nos concitoyens en région. La réponse à ce besoin de connectivité des régions n’est pas dans l’instauration d’une nouvelle taxe mais dans la mise en œuvre d’une véritable stratégie de développement durable pour notre secteur. Notre transition énergétique va nécessiter des investissements conséquents. La mise en place de l’écotaxe est incohérente avec les mesures européennes et internationales, et ses recettes ne serviront pas à la transition énergétique du transport aérien. L’écotaxe risque au contraire de réduire les marges de manœuvre du secteur pour s’engager plus avant dans sa transition énergétique.
L’écotaxe sur les billets d’avion : un contresens
Pour Thomas Juin, l’écotaxe est donc « un contresens et une occasion manquée ». L’Etat doit plutôt mettre en place des mécanismes incitant notamment au développement d’une filière de carburants durables pour l’aviation et stimulant la recherche et l’innovation dans le domaine aéronautique.
La France est l’un des rares pays au monde qui compte en son sein tous les acteurs du transport aérien et de la filière aéronautique. C’est une force qui nous oblige et sur laquelle il faut compter pour initier les ruptures technologiques de demain. Nous avons la conviction que la France est en capacité d’impulser une dynamique mondiale pour une transition écologique du secteur. C’est le sens du rapprochement inédit de tous les acteurs de la filière (constructeurs aéronautiques, compagnies aériennes, aéroports) pour mettre en œuvre une véritable stratégie nationale en matière de transition écologique du transport aérien et permettre une croissance durable du secteur qui soit appuyée valorisée et accompagnée par les pouvoirs publics.
La compétitivité des aéroports en question
Les taxes sur le transport aérien ont aussi un impact sur la compétitivité des aéroports français et donc sur l’attractivité de notre pays :
Nos aéroports sont chaque année en compétition pour rechercher de nouvelles ouvertures de lignes. Leur attractivité conditionne la connectivité aérienne des territoires.
Paradoxe, la France, qui est pourtant le premier pays touristique au monde n’est, selon l’indice de connectivité de l’ACI Europe, qu’en 4ème position en Europe derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne. La comparaison avec l’Espagne est instructive. Entre 2014 et 2018, la connectivité de l’Espagne a progressé de 32 % contre 12 % seulement pour la France. Conséquence en termes de trafic passagers : sur la même période, l’augmentation a été de 35 % pour l’Espagne contre seulement 18 % pour la France. Chez nous, la fiscalité sur les vols court-courriers en classe éco (là où la concurrence est la plus vive) va de 13 à 21 € selon les catégories d’aéroport, contre 15 € en Allemagne, 14 € au Royaume-Uni, 7 € en Italie, 4 € en Espagne, 3 € au Portugal.
Les taxes à la française face aux enjeux mondiaux
Le transport aérien va continuer à croître au niveau mondial, et même très fortement dans les régions Asie-Pacifique et Afrique. Raison de plus pour inventer, en France, le transport aérien de demain.
La Chine devrait représenter en 2030 la moitié de la croissance touristique mondiale. 400 millions de Chinois devraient voyager pour 150 millions aujourd’hui. Quel sens, quelle efficacité de nouvelles taxes à la française face à ces enjeux mondiaux ? Peut-on penser que l’Asie et l’Afrique renonceront au développement d’un trafic aérien ? En France même, la demande des régions d’être mieux reliées à l’international répond à une vraie demande sociétale. La solution réside donc bien dans l’invention d’un transport aérien durable. Nous croyons en la capacité d’innovation de la filière aéronautique et du transport aérien français. La pression sociétale sera salutaire si elle nous conduit, avec l’appui des pouvoirs publics, à accélérer la transition écologique du secteur.
Portrait Thomas Juin © Michaël Guichard
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