A l’occasion d’une conférence de presse en ligne ce jeudi 23 avril, la direction de l’aéroport Marseille Provence a fait le point de sa situation en pleine transparence, évoquant aussi bien ses difficultés actuelles (notamment ses pertes financières) et la grande incertitude qui pèse sur le transport aérien, que ses espoirs de reprise progressive du trafic si l’Etat y met du sien et si l’on sait créer un « choc de confiance » vis-vis du voyage en avion. « Les aéroports régionaux sont essentiels au développement des territoires et à leur connectivité » rappelle Philippe Bernand, le président du directoire (portrait ci-dessous), avant d’ajouter : « Le voyage en avion doit être un acte responsable. Il devra aussi rester un mode de transport accessible à tous ».
Une chute de trafic de 99 % !
Dans les trois semaines qui ont suivi la mise en place du confinement, l’aéroport Marseille Provence a vu son trafic passagers chuter de 99 % ! On compte actuellement 300 passagers par jour, au lieu de 30 000 en temps normal… Air France n’assure qu’une seule rotation quotidienne sur Paris-CDG, Air Corsica représente donc l’essentiel des vols avec deux allers-retours quotidiens sur Bastia et deux autres sur Ajaccio (certains vols se prolongeant sur Calvi et Figari). Pour le reste, on n’enregistre que quelques liaisons ponctuelles sur Londres, Rome et Tunis. « Les prévisions de reprise sont très incertaines et les projections sont régulièrement revues à la baisse » reconnaît Julien Boullay, le directeur Marketing et Commercial. Quelles compagnies seront encore présentes à l’heure de la reprise ? Avec quelles lignes ? Et quelles fréquences ? L’objectif d’AMP est désormais de totaliser 5,6 millions de passagers sur l’année, contre 10,4 millions l’an dernier, soit une chute de 46 %. Marseille Provence n’aura ce mois-ci que 1 % du trafic prévu avant la crise du Covid-19. Ce pourcentage devrait remonter progressivement au fil des mois avec la reprise successive des vols domestiques puis européens et enfin internationaux : seulement 25 % du trafic initialement prévu pour juin mais 57 % en août, 74 % en octobre et pratiquement 80 % en décembre. Pour retrouver la dynamique de croissance de ces dernières années, il faudra sans doute attendre encore 12 à 18 mois.
Sécurité des personnels, protection des sous-traitants
Sur le plan économique, l’aéroport de Marseille Provence perd chaque mois 13 millions d’euros de chiffre d’affaires et consomme 7 à 8 millions de trésorerie. Il a donc fallu recourir à l’emprunt (à hauteur de 25 millions) avant de faire appel aux PGE (Prêts Garantis par l’Etat). Toutes les mesures possibles ont été prises pour réduire les coûts tout en maintenant l’aéroport opérationnel, avec en particulier la « mise en sommeil » des infrastructures en dehors du terminal 1B et le recours au chômage partiel. « Notre priorité est la sécurité de nos personnels malgré la pénurie d’équipements de protection » souligne Philippe Bernand, le président du directoire d’AMP. « Nous sommes aussi très soucieux de la protection économique de nos sous-traitants et fournisseurs, avec la sécurisation des délais de paiements pour éviter l’effet domino des difficultés économiques ». L’impact de l’aéroport sur le territoire est évalué à un milliard d’euros par an et ses investissements (500 millions) profitent largement aux entreprises régionales. Le chantier de « cœur d’aéroport » est maintenu mais un autre projet sera différé : la nouvelle jetée programmée à l’horizon 2027 pour l’embarquement des vols internationaux (illustration ci-dessous).
La responsabilité de l’Etat dans le soutien au transport aérien
Pour limiter ses pertes, Marseille Provence demande que l’Etat prenne en charge financièrement les missions régaliennes déléguées à l’aéroport : elles représentent un budget de 39 millions d’euros, soit le quart du chiffre d’affaires. Ces missions de sécurité et de sûreté sont financées par une taxe sur chaque billet d’avion. La taxe est perçue par les compagnies aériennes qui doivent ensuite les reverser à l’aéroport, mais elles sont bien incapables de le faire actuellement. L’aéroport attend aussi des gestes de l’Etat sur la fiscalité du transport aérien et sur le soutien aux compagnies.
Une démarche volontariste et solidaire avec le territoire
Pour sa part, AMP s’est engagé dans une démarche volontariste pour jouer tout son rôle dans le territoire. L’agilité sera le maître-mot pour remonter en puissance mais sans accompagnement de l’Etat français. Marseille et les autres aéroports régionaux perdront de leur compétitivité face aux grandes plateformes européennes et ne pourront pas jouer pleinement leur rôle dans le développement des territoires et leur connectivité : à l’heure de la reprise du trafic, les compagnies iront là où elles trouveront les meilleures conditions économiques. Il faut certes créer un « choc de confiance » vis-à-vis du transport aérien, garantir la sécurité sanitaire notamment avec le port du masque obligatoire, mais il faut aussi traiter à égalité les aéroports français et européens, et traiter à égalité l’aérien et les transports terrestres. Enfin, Philippe Bernand souhaite plus que jamais concilier mobilité et responsabilité sanitaire et écologique. « Prendre l’avion n’est pas un acte banal, c’est un acte responsable » souligne-t-il avant de rappeler une autre priorité : que le voyage en avion, qui s’est démocratisé parallèlement à la mondialisation, reste accessible à tous.
Photos © AMP et Christian Guillard / FlyAndGo
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