« Tourisme : rien ne va plus à Agadir ». La presse marocaine n’a pas été tendre après la publication des dernières statistiques de fréquentation des hôtels, des résultats de trafic de l’aéroport d’Al-Massira, ou encore d’un rapport sur le manque de rénovation des établissements hôteliers. Tout n’est pas aussi sombre pour autant, comme en témoigne M.C. Mahfoud Filali, le président de l’industrie hôtelière locale et de la commission Promotion du Comité régional de tourisme (l’hôtel qu’il dirige, le Kenzi Europa, a d’ailleurs fait l’objet d’une rénovation à 35 millions de dirhams!). Et même si certains s’agacent de la concurrence de Marrakech, tel Alain Sicsu, le mari de « Mimi la Brochette », d’autres sont persuadés qu’Agadir est appelée à devenir une « ville-marque », comme Touria Ouchedad Boularoud, l’éditrice d’Agadir Première Le Mag. Point de la situation avec ce triple regard celui du pro, celui du pionnier, celui de la battante.
Le regard du pro : Charfik Mahfoud Filila (AIH, CRT)
Après un début d’année difficile, les hôteliers d’Agadir ont retrouvé le sourire cet été avec une hausse sensible de la fréquentation de leurs établissements. « Mais cette progression est largement due au tourisme intérieur et nous sommes loin d’avoir retrouvé le niveau d’il y a quelques années », tempère M. C. Mahfoud Filali. Directeur général du Kenzi Europa (l’un des neuf établissements du groupe marocain fondé par Abdellatif Kabbaj), Chafik Mahfoud est aussi le président de l’Association des hôteliers d’Agadir et de la commission Promotion du Comité régional du tourisme. « Les Marocains représentent désormais presque le tiers des touristes à Agadir, devant les Français puis les Britanniques et les Allemands.Globalement, le nombre d’arrivées progresse mais la durée moyenne de séjour a tendance à se réduire, et la clientèle est toujours plus exigeante. Nous nous adaptons en permanence, y compris en matière de développement durable et de responsabilité sociale et environnementale. Reste que la concurrence sur les prix devient déraisonnable et que nous souffrons d’un manque de vols directs avec de nombreux bassins de clientèle ».
Faut-il aussi « ré-inventer » la destination Agadir ? Ce fut le thème d’une grande journée de réflexion, le 28 mars, avec tous les professionnels, les élus locaux, les institutionnels régionaux et nationaux. « On s’est dit les choses clairement, on a adopté 13 résolutions que l’on a déjà commencé à mettre en œuvre, et on a admis qu’il faut sensibiliser et impliquer toutes les parties prenantes : personne n’a le monopole de la solution, c’est tous ensemble que l’on avancera. Le tourisme est un vecteur essentiel de développement économique, social et culturel. »
Chafik Mahfoud a toujours vécu à Agadir, sauf durant ses études en France: un doctorat en gestion de tourisme et voyages à l’université d’Aix-Marseille. « A l’époque, les mentalités étaient très différentes. Il y avait plus de tensions entre étudiants métropolitains et corses qu’entre Méditerranéens du Nord et Méditerranéens du Sud. Nous, les Maghrébins, on servait même de tampon entre supporters de Marseille et de Bastia ou d’Ajaccio. Aujourd’hui, quelle que soit la qualité de notre offre touristique, ici à Agadir, nous dépendons d’abord de ce que nous ne maîtrisons pas : les difficultés économiques et sociales de l’Europe, les turbulences internationales, l’évolution des mentalités, les raccourcis, les amalgames. Et nous nous nous désolons de voir des touristes français aller vers des destinations qui coûtent plus cher et offrent moins de qualité que ce nous savons leur offrir. Nous devons ré-inventer Agadir et les Français peuvent eux redécouvrir Agadir. En toute confiance. »
Le regard du pionnier : Alain Sicsu (Mimi la Brochette)
Quand il a découvert Agadir, sa baie, sa plage, son climat, Alain Sicsu s’est tout de suite dit qu’ici, on pouvait faire un petit Paradis. C’était en 1978. Franco-espagnol né au Maroc il y a 70 ans, Alain Sicsu avait vécu à Fès, Meknès, Oujda, Casa… avant de venir à Agadir pour le compte d’Air France. Trois ans plus tard, avec sa femme Myriam, il ouvrait sur le front de mer, côté Corniche, l’un des tout premiers restaurants : « Chez Mimi la Brochette ». Au fil des ans puis des décennies, l’établissement de la promenade Tawada est devenu incontournable dans tous les guides, jusque sur TripAdvisor. Et tandis que la station balnéaire marocaine prenait de l’ampleur, la carte de Mimi ne cessait de s’élargir. Poissons, tajines, couscous et pastillas sont venus compléter les grillades et brochettes. On peut aujourd’hui aussi bien déjeuner d’une salade à 50 dirhams que déguster un plateau de fruits de mer à 350, savourer une langouste au feu de bois ou s’initier à la viande de chameau. « Mais on a gardé le nom de Mimi la Brochette », s’amuse Alain Sicsu. « Au départ, on l’avait choisi un peu pour rigoler. Et puis on a vu que ça plaisait, que c’était facile à retenir. » Il se souvient aussi de l’époque où il recevait les Chantal Goya, Francis Cabrel, Gipsy Kings. Et il s’énerve de voir la jet set d’aujourd’hui n’en avoir que pour Marrakech. Sa femme Mimi n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour promouvoir la destination : aujourd’hui présidente de l’association des restaurateurs, elle n’avait pas hésité à aller jusque devant les caméras de Julien Lepers pour vanter Agadir lors d’un « Question pour un champion » !
« La douceur de vivre, c’est ici, à Agadir, pas ailleurs », conclut Alain Sicsu. « Surtout l’hiver ! Trouvez-moi une autre destination, à part peut-être les Canaries, où on est aussi bien en décembre, à moins de deux heures et demie d’avion de Toulouse ! »
Le regard de la battante : Touria Ouchehad Boularoud (Agadir Première)
Touria est née à Essaouira, elle y a passé toute son enfance, jusqu’à l’entrée à l’université, mais c’est à Agadir qu’elle passait des vacances heureuses avec ses frères, et c’est à Agadir qu’elle a choisi de s’installer. D’abord touche-à-tout, cette multi-diplômée hyper-dynamique se consacre depuis 10 ans à la promotion de sa ville de coeur, à travers son agence de communication Azigzao (la couleur verte, en amazigh) et son magazine Agadir Première.
Touria Ouchehad Boulbaroud reconnaît qu’elle est amoureuse de Paris mais explique qu’elle se déclare littéralement envoûtée par Agadir : « Je n’ai jamais imaginé vivre ailleurs que dans cette ville-kaléidoscope où il y a tellement à faire. Chaque matin, à travers les fenêtres de mon sixième étage, je vois tout le potentiel d’Agadir. Cette ville a su se recréer après le tremblement de terre de 1960, rebondir après la crise touristique de 2008, innover sans cesse. La réforme territoriale nous donne une nouvelle opportunité de nous prendre en main pour aller de l’avant, faire d’Agadir une ville-marque. »
Agadir Première, le Mag s’adresse aux « CSP+ » marocains, aux résidents étrangers, à tous les amoureux d’Agadir comme au simple touriste qui souhaite profiter au mieux de son séjour, découvrir les lieux de qualité comme les attraits méconnus de la région, et répondre à cette invitation de Touria à « se réconcilier avec les belles choses. Intégrons l’esthétique visuelle et intellectuelle dans nos vies, faisons grandir nos âmes ».
En complément d’Agadir Première, les éditions Azigzao ont publié un premier livre, « Agadir, la ville impassible », avec un texte très riche, très documenté du professeur émérite Hassa Wahbi. Touria Ouchehad Boulbaroud vient aussi de lancer un nouveau support en français et en anglais : « L’effet Maroc ». La première livraison de ce guide semestriel nous propose de découvrir de nouvelles émotions : le parfum d’infini de Dakhla, l’adrénaline pure d’un raid moto sur les pistes du Sud marocain, le rêve d’un réveillon dans le désert, le charme poétique de Chefchaouen, le « surf, yoga & spa » sur la Paradis Plage de la nouvelle station de Taghazout…
Photos © FlyAndGo sauf portrait Touria Ouchehad © Ahmed Agdi / Azigzao
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